• Question (posée par un concitoyen non-musulman) :

    Respectez-vous les lois françaises ou bien les principes du Coran ?

    -
    Réponse :

    Nous musulmans nous référons (tahkîm) à nos sources – Coran et Sunna – et sommes respectueux des lois du pays dans lequel nous vivons.

    En tant que citoyens ou résidents étrangers d'un pays donné, les musulmans sont liés à un contrat avec ce pays. Or l'islam enseigne au musulman de respecter le contrat qu'il a conclu. Ainsi, le Prophète avait conclu des traités inter-nationaux, des traités qu'il avait conclus avec d'autres Etats-cités de l'Arabie d'alors : le Coran parle de "peuples avec qui vous avez conclu un traité" (Coran 4/90) ; le Prophète avait conclu un traité de dix ans avec la Mecque, en vertu duquel les musulmans de La Mecque ayant émigré à Médine seraient renvoyés à La Mecque ; il respecta les clauses du traité et fit retourner Abû Jandal, un musulman venu de la Mecque (rapporté par al-Bukhârî). Ceci concernait les traités entre nations. Maintenant, en venant s'installer dans un pays (que ce soit définitivement en ce qui concerne les citoyens ou temporairement en ce qui concerne les résidents étrangers), les musulmans ont conclu un contrat avec les autorités du pays. Ici il ne s'agit pas d'un traité (mu'âhada) entre deux Etats mais d'un contrat (mu'âhada) entre un Etat et les personnes qui y résident. Cf. Fatâwâ mu'âssira, tome 3 pp. 642-644.
    D'un autre côté, ces musulmans ne nient absolument pas chercher dans le Coran et la Sunna les principes pour vivre fidèlement à leur foi et leur conscience. Car considérer le fait de s'y référer comme obligatoire participe de leur foi même .Les enseignements du Coran et de la Sunna sont globaux et ils veulent en extraire des orientations et des limites pour les différents aspects de leur vie.

    "Alors, demande-t-on aux musulmans, à quoi donnez-vous préférence : aux lois du pays ou aux principes de l'islam ?"

    La réponse est que nous posons le débat en termes d'"organisation". En fait plusieurs situations se présentent.

    -
    A) La loi du pays et l'éthique musulmane disent la même chose :

    Ainsi, la drogue est interdite de vente aussi bien par la loi française que par les principes musulmans. Il en est de même du vol, de l'assassinat, du viol, etc. Il n'y a donc aucun questionnement par rapport à ce premier cas.

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    B) La loi du pays et l'éthique musulmane ne disent pas la même chose :

    Deux cas se présentent alors : soit ils ne disent pas la même chose mais ne se contredisent pas réellement non plus ; soit il y a réellement contradiction.

    B.1) Ils ne disent pas la même chose mais ne se contredisent pas non plus :

    Plusiuers cas se présentent ici...

    B.1.1 : La loi du pays permet quelque chose qu'en notre conscience (nourrie par les enseignements de nos sources) nous nous interdisons formellement :

    Ainsi, la consommation d'alcool ou de porc est autorisée par la législation française, mais en notre conscience nous nous l'interdisons formellement. Nous ne consommons donc pas d'alcool ni de porc, et ce faisant, nous n'entrons aucunement en contradiction avec les lois françaises : celles-ci ne faisant qu'en autoriser et non rendre obligatoire la consommation, ne pas en consommer ne constitue nullement un manquement dans notre respect des lois du pays.
    Certaines personnes reprochent parfois à leurs concitoyens musulmans de s'interdire en leur conscience des choses de ce genre, comme par exemple le mariage avec des personnes non-musulmanes. Or nous ne voyons absolument pas ce qu'il y aurait là de contraire aux lois du pays, puisque celles-ci permettent seulement un tel mariage ; nous avons le droit de considérer cela interdit et donc de ne pas y avoir recours, puisque chaque citoyen a le droit de s'interdire en son âme et conscience ce qu'il juge bon, du moment que cela ne porte pas atteinte aux libertés des autres ; en effet, "nul ne peut être contraint à faire ce que la loi n'ordonne pas" et "nul ne peut être inquiété pour ses opinions, même religieuses". De nombreux citoyens catholiques continuent à considérer le divorce interdit en leur conscience, bien que la loi autorise celui-ci et qu'elle le fasse justement en se démarquant de ce qui se passait sous l'Ancien Régime. De même, de nombreux citoyens juifs s'interdisent en leur conscience le mariage avec des personnes non-juives, bien que la loi autorise celui-ci. Pourquoi est-ce en ce qui concerne les citoyens musulmans précisément que les choses devraient être différentes ?

    B.1.2 : La loi du ne dit rien de quelque chose que nous considérons obligatoire :

    Ainsi en est-il du caractère obligatoire des cinq prières quotidiennes. En quoi le fait de devoir respecter la loi française empêcherait-il de les accomplir ?

    B.1.3 : Nos sources ne disent rien de quelque chose alors que la loi du pays rend celle-ci obligatoire :

    Ainsi, conduire à droite est aussi permis en islam que conduire à gauche, mais les lois françaises obligent de conduire à droite. Nous nous conformons donc aux lois du pays, et, ce faisant, nous n'entrons nullement en contradiction avec notre conscience puisque celle-ci ne fait que nous autoriser cette chose, et non pas nous la rendre obligatoire.

    B.1.4 : Nos sources ne disent rien de quelque chose alors que la loi du pays l'interdit :

    Nous appliquons ici la même solution qu'en B.1.2.

    B.1.5 : Nos sources ne disent rien de quelque chose alors que la loi du pays indique un certain nombre de conditions la concernant :

    Ainsi, quand deux musulmans français font un contrat selon lequel l'un embauche l'autre, cela sous-entend que tous deux respecteront les conditions assorties à l'emploi de toute personne : par exemple que celle-ci aura droit à cinq semaines de congés payés suite à un an de travail. Cela constitue une condition édictée implicitement lors de la conclusion du contrat, ce qui est tout à fait possible en islam.

    Certains musulmans pourraient dire : un verset du Coran (Coran 9/31) et le commentaire que le Prophète en a fait (rapporté par at-Tirmidhî, n° 3095) nous enseignent que considérer interdit ce que Dieu a dit être permis, c'est faire de l'associationnisme avec Dieu (shirk).
    Bien sûr. Mais ce n'est pas "considérer interdit ce que Dieu a dit être permis" (tahrîm ul-halâl) que d'avoir recours à la nécessaire réglementation du domaine "autorisé" (tanzîm al-mubâh), comme par exemple interdire de rouler à gauche, instaurer des normes de sécurité pour les bâtiments, des normes liées à la solidarité nationale (règles pour l'usage des eaux), etc. Du point de vue de l'islam, cette réglementation est liée à la notion de la qiyâs ul-maslaha et repose sur les principes généraux de l'islam ("Lâ dharar wa lâ dhirâr"). Voir Du'ât lâ qudhât, al-Hudhaybî, pp. 104-106, et Islâm aur jadîd mu'âsharatî massâ'ïl, Khâlid Saïfullâh, p. 43.

    Ces cinq cas de figure ne constituent pas réellement des occasions où il y aurait une sorte de dilemme entre ce que disent les lois du pays et ce que dicte à un citoyen musulman sa conscience. En effet, dans ces cinq cas on agit conformément à celle-ci sans manquer à celle-là, et conformément à celle-là sans manquer à celle-ci. Par contre, le cas suivant, B.2, est tel que la question se pose effectivement...

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    B.2) La loi du pays rend quelque chose obligatoire alors que nos sources nous l'interdisent formellement, ou nos sources rendent quelque chose obligatoire alors que la loi du pays nous l'interdit formellement. Ou bien nos sources ont désigné une façon précise (tarîq mu'ayyan) pour réaliser tel objectif (devenu nécessaire) alors que la loi du pays en désigne une autre :

    Ici effectivement la question se pose. Et deux cas se présentent…

    B.2.1 : Soit il y a une pluralité de solutions offertes par la loi du pays :

    Dans ce cas il s'agira d'orienter les musulmans vers la solution, dans la loi du pays, qui permet de pratiquer ce que disent nos sources. Ainsi, une jeune musulmane qui porte le foulard ne peut plus le porter quand elle entre, en tant qu'élève, dans les salles de l'école publique ; il s'agira donc d'orienter cette jeune fille vers une école privée qui l'autorisera à porter ce foulard, ou à suivre des cours par correspondance. Les musulmans devraient également créer des écoles privées, similaires à celles que les protestants, les catholiques et les juifs en ont créées.

    B.2.2 : Soit il n'y a qu'une solution offerte par la loi du pays :

    Ainsi, certains types d'assurance sont interdits, et pourtant la loi de certains pays les rendent obligatoires pour des choses qui relèvent de la nécessité absolue (avoir un toit, etc.). Dans ce cas nous ferons cette chose en gardant à l'esprit qu'il y a contrainte (ik'râh), et en nous limitant au degré minimal rendu obligatoire par la loi (adh-dharûra tataqaddaru bi qad'r idh-dharûra). Les musulmans auront donc recours à ces assurances – dans leur degré minimal – en considérant qu'il y a contrainte.

    Ici encore, certains musulmans pourraient invoquer le verset (Coran 9/31) et le Hadîth rapporté par at-Tirmidhî (n° 3095), qui enseignent que considérer permis ce que des hommes ont permis alors que Dieu l'a interdit, c'est faire de l'associationnisme avec Dieu (shirk). Ils pourraient dire que dans le cas d'une loi qui rend permis ce que Dieu a strictement interdit, le seul fait qu'un musulman s'y conforme au niveau de ses actes suffit pour qu'il quitte l'islam, sans considération pour ce qu'il considère en son âme et conscience ('aqîda).
    A ces musulmans-là, al-Hudhaybî dit ceci : "tout dépend de la croyance et non de l'acte qui n'est pas accompagné par la croyance" (Du'ât lâ qudhât, pp. 166-167). Al-Hudhaybî cite Ibn Taymiyya, qui, commentant ce verset 9/31, le commente par le hadîth de 'Adî ibn Hâtim, puis par le propos de Abu-l-Bakhtarî, puis par le propos de Abu-l-'Aliya : selon les explications de ces propos, le verset classe comme "shirk" le fait de suivre un homme quand il déclare licite ce que Dieu a décrété illicite, et vice-versa. Mais ensuite Ibn Taymiyya précise : "Et ces gens là qui ont pris leurs savants et leurs moines comme divinités, étant donné qu'ils les ont suivis dans le fait de déclarer licite ce que Dieu a rendu illicite et de déclarer illicite ce que Dieu a rendu licite, [le font] selon deux manièresL'une est qu'ils savent que [ces savants et moines] ont changé le dîn de Dieu puis qu'ils les suivent en ce changement, ayant alors comme croyance ("ya'taqidun") que ce Dieu a décrété illicite est devenu licite et que ce que Dieu a décrété licite est devenu illicite, par fait de suivre leurs chefs, tout en sachant qu'ils ont contredit le dîn des Messagers. Ceci est du kufr. Et Dieu et Son Messager l'ont déclaré du shirk, même s'ils ne prient pas et ne se prosternent pas devant eux. Aussi, celui qui suit autrui dans ce qui contredit le dîn tout en sachant que ceci est contraire au dîn, et a comme croyance ("i'taqada") ce que [cet autrui] a dit et non ce que Dieu et Son Messager ont dit, celui-là est mushrik comme ceux-là. La seconde est que leur croyance et leur foi soient établies quant au fait de considérer licite ce que [Dieu a décrété] licite et illicite ce que [Dieu a décrété] illicite, mais qu'ils suivent ces [prêtres et moines] dans la désobéissance à Dieu, comme le musulman commet ce qu'il commet de péchés dont il a la croyance que ce sont des péchés. Ceux-là ont le statut de leurs semblables parmi les gens du péché (…)" (MF 7/66-70).

    Or, dans un cas de contrainte (ik'râh, contrainte reconnue comme telle en islam), il devient autorisé de faire ce qui, hors du cas de contrainte, aurait constitué un péché par rapport aux droits de Dieu. Al-Hudhaybî cite Ibn Hazm, selon l'avis de qui tout cas de contrainte rend autorisé ce qui constitue normalement un péché par rapport à ses devoirs vis-à-vis de Dieu : recevoir (de la part d'une personne dont on n'est pas certain qu'elle ne mettra pas sa menace à exécution) la menace d'être tué, ou d'être frappé, ou d'être emprisonné, ou de voir ses biens détruits ; de même, s'entendre dire que ces menaces – tuer, frapper, emprisonner, détruire des biens – seront exécutées sur un musulman autre que soi-même, ou sur quelqu'un d'autre (Al-Muhallâ, règles n° 1403, 1404, 1409 ; al-Hudhaybî cite cet avis de Ibn Hazm in Du'ât lâ qudhât, p. 118).

    Quand on vit dans un pays, les lois qui déclarent quelque chose strictement obligatoire ou strictement interdit, et qui menacent le contrevenant d'emprisonnement etc. sont contraignantes ("muk'rih"). C'est pourquoi, dans le cas B.2.2 cité plus haut (c'est le seul cas où la question se pose), le musulman se conformera à ce que dit la législation du pays où il vit, considérant qu'il y a contrainte ("ik'râh") ; mais primo il gardera la considération voulue en son âme et conscience ; et secundo il se conformera à la loi au degré minimal possible ("adh-dharûratu tataqaddaru bi qad'r idh-dharûra") (pour l'assurance commerciale il prendra donc le minimum obligatoire). 'Izz ud-Dîn ibn 'Abd is-Salâm écrit ainsi, parlant du détenteur de l'autorité : "Pas d'obéissance à quelqu'un dans ce qui constitue une désobéissance à Dieu ; et ce à cause de ce que la (désobéissance) recèle de mafsada destructrice dans les deux mondes ou dans l'un d'eux. Celui qui ordonne de faire ce qui constitue une désobéissance (à Dieu), on ne lui obéit pas. Sauf s'il exerce une contrainte à faire chose que la contrainte rend autorisé de faire : il n'y a alors pas de péché sur celui qui lui obéit ; [et obéir à cet humain en faisant ce qui constitue une désobéissance à Dieu mais que cet humain contraint à faire, cela devient autorisé ;] lui obéir [en faisant ce qui constitue une désobéissance à Dieu mais que cet humain contraint à faire] devient même parfois obligatoire, non pas parce qu'il s'agit de l'ordre [donné par un humain] mais pour repousser la mafsada de ce dont il menace (...)" (Qawâ'ïd ul-ahkâm fî islâh il-anâm, 2/273). Ceci n'empêche pas qu'en tant que citoyen, en même temps qu'il se conforme en actes à une telle loi, le musulman proteste et dise qu'il considère celle-ci injuste. Ainsi le disons-nous à propos de la loi contre le port du foulard par les élèves de l'école publique.

    Les cas de contrainte, écrit encore Ibn Hazm, sont pris en considération en ce qui concerne les paroles et les actes qui deviennent autorisés en cas de nécessité absolue ("dharûra"). D'autres actes sont tels que même s'il était l'objet d'un de ces cas de contrainte, le musulman ne pourrait les faire : imaginez par exemple que quelqu'un contraigne un musulman à tuer un innocent, en le menaçant de le tuer lui-même s'il n'obéit pas. Ici la contrainte ne peut pas être prise en considération, car "aucun texte ne permet au musulman de repousser l'injustice dont il peut être victime en se rendant coupable d'une injustice sur une tierce personne, laquelle ne lui a rien fait (…). Dans ce cas il ne reste à ce musulman qu'à (…) faire preuve de patience devant ce qui lui arrivera et qui était d'ailleurs prédestiné" (Al-Muhallâ, règle n° 1403, cité par al-Hudhaybî, Op. cit., pp. 117-118). Al-Qurtubî a relaté le consensus des ulémas sur cette question de ne pas avoir le droit, même sous la contrainte, de tuer quelqu'un d'autre (cité par al-Hudhaybî, Op. cit., p. 116). Al-Qâdhî 'Iyâdh a aussi relevé ce consensus (Shar'h Muslim, commentaire du Hadîth n° 2887). Bref, si quelqu'un contraint un musulman à tuer un innocent, le musulman ne peut, ici, obéir. Ceci nous amène à aborder la situation suivante...

    Si le pouvoir exécutif ou l'assemblée législative du pays mobilise les citoyens pour aller au combat, que faire ?

    Imaginez que les citoyens d'un pays donné soient mobilisés pour aller combattre des habitants d'un autre pays et que cette guerre soit injuste. En vertu des limites au cas de contrainte que nous venons de voir, les musulmans ne pourront pas participer à ce combat. Mais attention, ce n'est pas le fait de voir si en face il y a des musulmans qui soit seulement à prendre en considération : des innocents sont des innocents, musulmans ou pas. Ainsi, lors de l'affaire Banû Ubayriq à Médine au temps du Prophète (sur lui la paix), les voleurs (des musulmans hypocrites) avaient accusé un juif (selon un des deux commentaires) d'être à l'origine du vol. Dieu, dans le Coran, vint révéler au Prophète que celui qu'on accuse est innocent et que c'est le musulman qui est coupable : voir Coran 4/105-113. Ne pouvant pas participer à ce genre de guerre contre des innocents, les citoyens musulmans se mettront-ils alors hors la loi ? Non pas : ils feront jouer la clause d'objection de conscience, prévue par le droit du pays dont ils sont les citoyens et qui, d'ailleurs, a été et est invoquée également par d'autres citoyens qu'eux.
    Par contre, dans le cas où le combat que leur pays entend mener n'est pas injuste mais est entièrement justifié à la lumière de ce que leur souffle leur conscience nourrie par les sources du Coran et de la Sunna, les musulmans pourront y participer : Cheikh Khâlid Saïfullâh l'a écrit, se fondant sur le fait que les musulmans établis en Abyssinie (une "Dâr ul-'ahd") à l'époque du Prophète s'étaient mobilisés aux côtés du roi abyssinien contre un oppresseur (pour la règle écrite par Khâlid Saïfullâh, voir Islâm aur jadîd ma'âshî massâ'ïl, p. 80 ; pour l'événement historique, voir Le Prophète de l'islam, sa vie son œuvre, Muhammad Hamidullah, tome 1 p. 279). Face à un cas concret, ce seront les muftis des musulmans du pays qui se prononceront, avec impartialité et avec le sentiment de responsabilité devant Dieu.

     

    Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

     

    Extrait du site La Maison de l'Islam

     

    Coran & Sunna



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  • En ce qui concerne l’accomplissement  de la prière, les gens sont divisés en 5 niveaux

     

    Le premier : Le niveau de celui qui est négligent et fait du tort à son âme : Il est celui qui échoue dans l'accomplissement correct des ablutions, de la prière en son temps, ses limites indiquées et dans l'accomplissement de ses piliers essentiels.

     

    Le deuxième : Celui qui préserve ses prières dans leurs temps appropriés et dans leurs limites indiquées, accomplit leurs piliers essentiels et accomplit ses ablutions avec soin. Cependant, son effort (dans la réalisation de ceci) est perdu par des chuchotements dans sa prière, donc il est emporté par des pensées et des idées.

     

    Le troisième : Celui qui préserve ses prières dans les limites indiquées, accomplit leurs piliers essentiels et s'efforce de repousser les chuchotements, les pensées et les idées. Il est occupé à la lutte contre son ennemi (Shaytan) pour qu'il ne vole pas de sa prière. À cause de cela il est engagé (à la fois) dans la prière et le jihad anafs.

     

    Le quatrième : Celui qui est debout pour la prière, achève et perfectionne ses droits, ses piliers essentiels, exécute cela dans ses limites indiquées et son coeur est absorbé par la préservation de ses droits et limites indiquées, pour que rien n'en soit gaspillé. Son souci entier est dirigé vers son établissement, son achèvement et sa perfection, comme il doit être. Son coeur est immergé dans la prière et dans la soumission à son Seigneur le Glorifié.

     

    Le cinquième : Celui qui est debout pour la prière comme celui mentionné ci-dessus. Cependant, en plus de cela, il a pris et placé son coeur devant son Seigneur, regardant vers Lui avec son coeur avec attente, (son coeur ) rempli de Son amour et de Sa force, comme s'il voyait Allah . Les chuchotements, les pensées et les idées ont disparu et les voiles entre lui et son Seigneur sont levés. Ce qu’il y a entre cette personne et d'autres en ce qui concerne la prière, est supérieur et plus grand que ce qu’il y a entre le ciel et la terre. Cette personne est occupée par son Seigneur, enchanté par Lui.

     

    La premiere catégorie sera punie, on demandera des comptes à la seconde, la troisième catégorie aura ses péchés et défauts expiés, la quatrième sera récompensée et la cinquième sera près de son Seigneur.

    Quiconque fait de sa prière, le délice et le plaisir de sa vie, aura la proximité de son Seigneur comme délice et plaisir de sa vue dans l'au-delà.

     

    Ibn El Qayim el Jawzi

     

    Ce petit rappel n'a pas pour but de décourager nos frères et soeurs, mais au contraire, de nous aider à nous situer et corriger nos erreurs.  Les insufflations [waswas] dans la salat,  [seconde catégorie] nous en faisons malheureusement tous l'objet, l'essentiel est de lutter contre et ne pas se laisser distraire par shaytan (maudit soit-il).

    Qu'Allah nous accorde la Foi et la Patience afin d'accomplir la prière comme il se doit. ( amine )

    { Et accomplis la Salat aux deux extrémités du jour et à certaines heures de la nuit. Les bonnes oeuvres dissipent les mauvaises. Cela est une exhortation pour ceux qui réfléchissent.}
    [ Sourate 11 - verset 114 ]

     

    Coran & Sunna

     


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  • L'alcool est aujourd'hui considéré par certaines personnes comme étant un "plaisir". Ses ravages sont pourtant terribles. Tant au niveau de la santé physique (cirrhoses, cancers) que de la santé mentale (addiction), les troubles qu'il cause sont là. Ses effets ne se limitent pas à l'individu mais touchent la famille (violences conjugales, parentales) et la société (coups et blessures, meurtres, accidents de la route). Comment le musulman et la musulmane considèrent-ils l'alcool ?

    Les textes de la révélation ont strictement interdit l'alcool (Coran 5/90). De toutes les choses que ces textes ont déclaré interdites, certaines sont telles qu'elles ne contiennent que ce qui est nocif à l'être humain (sur le plan physique, sur le plan spirituel, sur le plan mental, sur le plan familial, sur le plan social ou autre) ; d'autres choses sont telles qu'elles contiennent à la fois ce qui est utile et ce qui est nocif pour l'être humain, mais ce qui est nocif domine ce qui est utile ; les textes de la révélation les ont donc strictement interdites également. Ainsi en est-il de l'alcool, dont Dieu a explicitement dit qu'il contient ce qui est utile mais aussi ce qui est nocif mais ce qui est nocif domine (Coran 2/219). L'alcool procure par exemple à l'organisme une sensation de chaleur et l'aide ainsi à supporter le froid, mais cet avantage n'est pas suffisant pour contrebalancer les ravages qu'il cause par ailleurs ; Dieu l'a donc strictement interdit. "... Et il se peut que vous aimiez quelque chose alors qu'elle est nocive pour vous. Dieu sait et vous ne savez pas" (Coran 2/216). Un Compagnon habitant une région froide d'Arabie avait ainsi demandé au Prophète si les musulmans de cette région pouvaient absorber une boisson faite à partir du blé, qui les aidait à supporter le froid et les durs travaux. "Cette boisson cause-t-elle l'ivresse ? s'enquit le Prophète. - Oui. - Eh bien vous devez vous en abstenir" (rapporté par Abû Dâoûd, n° 3683).

    A l'aube de la venue de l'islam, les habitants de la péninsule arabique étaient de grands amateurs d'alcool. L'alcool de raisin, de datte, de miel, de sorgho (dhura), etc. y étaient fabriqués et consommés avec grand plaisir. Voulant détacher les musulmans de l'alcool, l'islam ne s'y prit pas de façon brutale. Comme Al-Qardhâwî l'a écrit, les sources de l'islam communiquent "croyances, conception de la vie et actes de culte ; pensée et sentiments ; éthique et valeurs ; règles de politesse et traditions ; droit et législation. Tous ces éléments sont constitutifs de la société musulmane. Le droit n'est – malgré son importance – qu'un élément parmi d'autres. Comment penser que par le simple fait d'avoir émis quelques règles juridiques, nous aurons donné naissance à la société musulmane voulue ? Une législation seule ne forme pas un peuple : elle doit être appuyée par un changement de pensée et de sentiments" (Shariat ul-islâm sâliha li-t-tatbîq fî kulli zamân wa makân, p. 134). C'est bien pourquoi Jundub ibn Abdullâh raconte l'expérience vécue en la compagnie du Prophète : "Nous étions, jeunes hommes, auprès du Prophète. Nous apprîmes la foi avant d’apprendre le Coran [c’est-à-dire les règlements coraniques]. Puis nous apprîmes le Coran, ce qui fit augmenter notre foi" (rapporté par Ibn Mâja, n° 61).

    Pédagogie divine concernant l'alcool :

    C'est pour la même raison que Aïcha, épouse du Prophète (sur lui la paix), raconte : "Parmi les premiers passages du Coran à avoir été révélés, il y a une sourate parmi les sourates mufassal, dans laquelle il est question du Paradis et de l’Enfer ; et puis, lorsque les hommes retournèrent vers l’islam, le licite et l’illicite furent révélés. Si dès le début Dieu avait révélé : “Ne buvez plus d’alcool”, les hommes auraient dit : “Nous ne le délaisserons jamais !”. Si dès le début Dieu avait révélé : “Ne commettez plus l'adultère !”, les hommes auraient dit : “Nous ne le délaisserons jamais !”…" (rapporté par al-Bukhârî, n° 4707).

    Ce n’est qu’après ce long et profond travail sur les cœurs que la révélation s’est mise à édicter obligations et interdits, parmi lesquels l'interdiction de l'alcool. Et même ici, elle a encore choisi la voie du pragmatisme. En effet, le texte coranique, aujourd’hui encore, témoigne de la patiente progression et de la pédagogie qui furent les siennes dans la mise en place de l’interdiction : d'abord il a été dit que l'alcool était source d'avantages et d'inconvénients et que ses inconvénients dominaient ses avantages (Coran 2/219) ; puis il a été dit qu'il est désormais interdit de se trouver en état d'ivresse au moment d'une des cinq prières quotidiennes (Coran 4/43) ; enfin l'alcool a été définitivement interdit (Coran 5/90). Ce processus s'est étalé sur une période de plusieurs années.

    Le monde entier reconnaît que l'alcoolisme est un fléau sanitaire, familial et social. Le monde entier reconnaît les ravages causés par cette drogue. Mais si l'islam a, au VIIème siècle, réussi à amener globalement les hommes de toute une terre – l'Arabie – à se défaire de leur alcoolisme, c'est à cause de deux particularités : un profond travail sur les cœurs et les esprits sans interdiction dans un premier temps, puis, dans un second temps, une interdiction progressive liée à la responsabilité devant Dieu. Et c'est ce qui fait la différence d'avec la tentative avortée des Etats-Unis avec la Prohibition dans les années 20 du XXème siècle.

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    Quelques règles que le musulman cherche à respecter à propos de l'alcool :

    1) Le musulman se préserve de tout alcool, quel que soit le produit à partir duquel celui-ci a été fabriqué :

    Le Prophète a dit : "Tout ce qui enivre est vin. Et tout vin est interdit" (rapporté par Muslim, n° 2003). Un jour, questionné par un homme originaire du Yémen au sujet d'un alcool que les Yéménites fabriquaient à partir du sorgho (dhura), le Prophète lui demanda : "Provoque-t-il l'ivresse ? – Oui, répondit l'homme. – Tout ce qui enivre est interdit" répondit le Prophète (rapporté par Muslim, n° 2002).

    2) Le musulman se préserve de consommer même en petite quantité ce qui n'enivre que lorsque consommé en grande quantité :

    On a beau dire qu'on ne boira qu'un petit verre, le premier verre en appelle un second, et chemin faisant, toute la bouteille y passe. C'est une des constantes de la nature humaine. L'islam a donc interdit de consommer même en une quantité faible au point de ne pas provoquer l'ivresse, ce qui provoque l'ivresse lorsque pris en plus grande quantité : "Ce qui provoque l'ivresse en grande quantité est interdit même en petite quantité" (rapporté par Abû Dâoûd, n° 3681). "Ce dont la (consommation d') un faraq [= quelques litres] provoque l'ivresse, même la consommation de ce qui tient dans le creux de la main en est interdite" (rapporté par Abû Dâoûd, n° 3687, at-Tirmidhî, n° 1866).

    Il faut préciser ici que certains illustres savants étaient d'avis que seul les alcools de raisin et de datte sont interdits en grande et en petite quantité ; quant aux autres alcools, ils sont interdits lorsqu'ils sont pris en quantité telle qu'elle provoque l'ivresse ; par contre, il n'est pas interdit d'en consommer en quantité tellement minime qu'elle ne provoque pas l'ivresse et à condition que ce soit pour une raison valable – besoin de force physique pour supporter un travail pénible, par exemple. Mais Shah Waliyyullâh et Ibn Rushd disent ceci : tous les savants sont unanimes à dire que l'alcool de raisin est interdit en grande comme en petite quantité ; or dire que l'alcool de raisin est interdit en grande comme en petite quantité, mais que l'alcool fait à partir de certain autres produits est, lui, autorisé en petite quantité et interdit seulement en grande quantité, cela ne correspondrait pas à l'habitude du droit musulman, qui est de ne pas faire de différence entre deux choses semblables ["jam' bayn al-mutamâthilayn"] (Hujjat ullâh il-bâligha, tome 2 p. 438 et p. 509, Bidâyat ul-mujtahid, tome 2 p. 876). Shâh Waliyyullâh écrit qu'en fait l'avis de ces illustres savants des premiers temps est dû au fait que le Hadîth "Ce qui provoque l'ivresse en grande quantité est interdit même en petite quantité" n'était pas parvenu à certains Compagnons et à leurs élèves. "Ils sont donc excusables, écrit Shâh Waliyyullâh. Mais le Hadîth ayant été diffusé ensuite partout, quelqu'un n'a plus d'excuse aujourd'hui" (Hujjat ullâh il-bâligha, tome 2 pp. 509-510). D'ailleurs, au sein de l'école faisant cette différence entre alcool et alcool, la fatwa est donnée selon l'avis des savants disant que la consommation de tout alcool est interdite, même en petite quantité (avis de Muhammad ibn ul-Hassan).

    3) Le musulman se préserve de faire le commerce de l'alcool et de favoriser ainsi sa consommation :

    Le Prophète a dit : "Dieu a interdit de vendre l'alcool, la bête non abattue rituellement (mayta), le porc et les idoles" (rapporté par al-Bukhârî, n° 2121, Muslim, n° 1581, etc.). Le Prophète a également interdit que le musulman fabrique du vin, qu'il en transporte, qu'il le serve à boire à quelqu'un, etc. (extrait du Hadîth n° 1295 rapporté par at-Tirmidhî). Le musulman n'offre pas non plus d'alcool à quelqu'un. Persuadé qu'il s'agit de quelque chose de nocif, il ne peut offrir pareille chose à quelqu'un d'autre. "Ne pourrais-je pas en offrir à des juifs ?" demanda quelqu'un au Prophète. "Celui qui a interdit le vin a aussi interdit qu'on en offre aux juifs" (rapporté par al-Humaydî, cité dans Al-halâl wa-l-harâm, p. 68).
    Cependant, les non-musulmans vivant en pays musulman ont pour leur part la liberté d'en acheter et d'en vendre pour leur propre consommation, à condition de respectant l'ordre public et de le faire donc très discrètement.

    4) Le musulman ne s'assoit pas dans les assemblées de beuverie :

    Le Prophète a dit : "Celui qui croit en Dieu et au jour dernier, qu'il ne s'assoie pas à une table sur laquelle l'alcool est bu" (ad-Dârimî 2092, Ahmad 14241 ; voir aussi at-Tirmidhî 2801, Ahmad 126).

    Ibn Taymiyya écrit : "Il n'est pas permis à quelqu'un d'assister, de son plein gré et sans qu'il y ait nécessité ("dharûra"), à des assemblées où l'on fait le mal", et de citer ensuite le Hadîth ci-dessus (Majmû' ul-fatâwâ 28/221). Qu'est-ce que ce genre de nécessités ? Il y a assurément ce qu'il cite dans un autre passage : "celui qui est alors présent sans l'être de son gré" : celui-là ne commet pas un acte interdit (Ibid. 28/204).
    Le même Ibn Taymiyya nomme cependant, ailleurs, des exceptions plus générales par rapport à la règle normale d'interdiction : "L'homme ne doit pas aller dans des lieux où il assistera à des actions mauvaises alors qu'il n'a pas la possibilité d'inciter à (les) abandonner ; sauf s'il y a une cause reconnue par les textes : comme le fait qu'il se trouve là-bas chose dont il a besoin pour l'avantage de sa pratique religieuse ou de ses affaires temporelles ("maslahatun fî dînihî aw dunyâh") et pour laquelle il n'a pas d'autre issue que d'aller en ce (lieu) ; ou bien qu'il ait été forcé (par quelqu'un) d'y aller. Mais pour ce qui est de se rendre en (pareil lieu) pour le simple divertissement", alors cela reste sous le coup de l'interdit (Ibid. 28/239). Voyez : ici, l'exception par rapport à la règle d'interdiction concerne non plus seulement le fait d'y avoir été contraint, mais aussi le fait de ne pas avoir d'autre issue que celle de se rendre en un tel lieu pour acquérir un avantage reconnu comme tel par les textes des sources. Il faut donc deux choses : qu'il y ait, en le fait de se rendre en un tel lieu, un avantage qui soit reconnu tel par les textes des sources ; de plus, que cet avantage ne puisse pas être obtenu autrement que par le fait de se rendre en ce lieu.
    Quelle "maslaha" peut-il y avoir dans le fait de se rendre en pareil lieu ? Ibn Taymiyya cite "celui qui est présent auprès de telles gens pour les inciter à cesser" (Ibid. 28/204). A la lecture de ces lignes du savant damascain, j'ai pensé à un autre cas qui se pose parfois : un homme ou une femme s'est converti(e) à l'islam alors que ses parents sont restés non-musulmans ; ceux-ci l'invitent à partager un repas qu'ils préparent en veillant à ce qu'aucun ingrédient illicite pour le musulman n'y soit mélangé ; le seul problème est qu'à table trône une bouteille d'alcool dont ces parents font, eux, une consommation personnelle au milieu du repas. Ce fils ou cette fille peut-il (elle) répondre à cette invitation et s'asseoir à cette table ? Au vu du principe énoncé par Ibn Taymiyya, la réponse serait "oui" : l'objectif de ce fils ou de cette fille est de contenter le cœur de ses parents en répondant à leur invitation, et c'est là un avantage reconnu comme tel par les sources, Dieu demandant au fils d'être de bonne compagnie pour ses parents même "s'ils veulent t'amener à Me donner des associés" : il s'agit alors ne pas obéir à cette demande mais à continuer à être de bonne compagnie envers eux (voir ce verset très connu du Coran). Or cet avantage passe par le fait de répondre à leur invitation, car ils se sentiraient vexés par un refus, alors que d'autre part il n'est pas toujours possible de leur dire sans les vexer – voire même les braquer – qu'un musulman ne peut s'asseoir à une table où l'alcool est consommé. J'ai demandé à un mufti réunionnais si ma pensée à ce sujet était correcte, il m'a répondu que oui.

    5) Le musulman considère-t-il l'alcool comme étant impur rituellement ?

    Il y a divergence d'opinions "sâ'igh" sur la question.
    – D'après la majorité des juristes, l'alcool est rituellement impur (najâssa hissiyya), ce qui fait que la partie des vêtements ou du corps qui a été touchée par l'alcool doit être lavée avant que l'on puisse accomplir la prière (salât). Ils se fondent sur le verset qui dit de l'alcool qu'il est "rijs" (Coran 5/90), qu'ils traduisent par "impur rituellement" (Cf. Bidâyat ul-mujtahid, tome 1 p. 148, Al-Fiqh ul-islâmî wa adillatuh, tome 1 p. 303 et tome 7 p. 5496).
    – Rabî'at ur-ra'y, al-Layth ibn Sa'd, al-Muzanî, Dâoûd az-zâhirî et quelques autres juristes pensent que l'alcool n'est pas impur rituellement ; d'après eux, ce que ce verset signifie est que l'alcool est une saleté au plan moral (najâssa ma'nawiyya) (Fatâwâ mu'âssira, tome 3 p. 564). Parmi les ulémas récents, as-San'ânî, ash-Shawkânî, Siddîq Hassan Khân, Muhammad Rashîd Ridhâ et Ahmad Shâkir ont donné préférence à ce second avis (Al-Mawâdd ul-muharrama wa-n-najissa fi-l-ghidhâ' wa-d-dawâ', Nazîh Hammâd).

    6) Le musulman peut-il vendre du raisin à celui dont il sait qu'il en fera de l'alcool ?

    D'après ce que al-Haskafî a écrit comme principe d'après Abû Hanîfa : la règle, à propos de toute chose dont certaines utilisations sont licites et d'autres illicites, et dont on pense que l'acheteur va l'utiliser de façon illicite, est la suivante :
    – s'il s'agit d'une chose qui est utilisable de cette façon illicite dans sa forme actuelle, alors il est interdit de la vendre à celui dont on est certain ou quasi-certain qu'il va en faire une utilisation illicite ;
    – par contre, s'il s'agit d'une chose qui ne peut être utilisée de façon illicite qu'après avoir été transformée par l'acheteur, alors il est seulement déconseillé (mak'rûh tanzîhan) de la vendre à celui dont on est certain ou quasi-certain qu'il va la transformer et utiliser ensuite le produit obtenu de façon illicite.
    Selon cet avis, il est interdit de vendre des armes à celui dont on est quasi-certain qu'il va les utiliser pour voler et piller : on sait qu'il va en faire une utilisation illicite, et cette utilisation illicite se fait, avec les armes, telles qu'elles sont vendues. Par contre, il est déconseillé de vendre du raisin à celui dont on pense qu'il va en faire du vin, car c'est après transformation en matière illicite ce qui était licite que l'acheteur va en faire une utilisation illicite.

    Par contre, d'après les juristes Mâlik et Ahmad, il est interdit de vendre du raisin à celui dont on est certain ou quasi-certain qu'il va en faire du vin (Zâd ul-ma'âd, tome 5 p. 763, Al-Fiqh ul-islâmî wa adillatuh, tome 5 p. 3458). Abû Yûssuf et Muhammad ibn ul-Hassan sont du même avis (Jadîd fiqhî massâ'ïl, p. 375). Cette règle concerne le cas de l'acheteur potentiel dont on sait pertinemment qu'il va faire du vin du raisin qu'il achète. Cependant, si on ne savait pas et on le lui a vendu puis on découvre qu'il en a fait du vin, on n'a rien à se reprocher. On ne doit d'ailleurs pas devenir soupçonneux et demander à chaque acheteur potentiel ce qu'il compte faire du raisin qu'on vend.


    Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

     



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  • Chacun et chacune savent que si certains des éléments du droit que l'islam offre aux humains sont identiques pour l'homme et la femme, d'autres sont différents : il s'agit de certaines dispositions dans le domaine de l'héritage, du témoignage, etc.
    Mais ce qu'il faut également savoir, c'est que ces différences, l'islam ne les explique ni par l'idée que la femme serait de nature plus encline au mal que l'homme, ni qu'elle serait un être humain de seconde zone. L'islam explique ces différences par le fait qu'homme et femme sont deux humains présentant de légères différences l'un par rapport à l'autre : l'un et l'autre ont leur personnalité propre, qui correspond aux particularités d'ordre secondaire que Dieu a inscrites dans leur constitution physique et mentale.

    Deux modèles font dès lors fausse route : le modèle qui fait de la femme un humain incomplet, ainsi que le modèle qui présente l'homme et la femme comme deux être humains exactement semblables. Ce deuxième modèle fait courir des risques de masculinisation de la femme, ou de féminisation de l'homme, ou d'avènement d'une humanité de type androgyne, scénarios qui pourraient bien se produire et contre lesquels non seulement l'islam, mais aussi des chercheurs occidentaux tels que Elisabeth Badinter mettent en garde (voir son livre L'un est l'autre, Odile Jacob). C'est pour éviter de tels scénarios que l'islam a placé des repères en amont...

    Ainsi, parce qu'ils sont tous deux êtres humains à part entière, l'islam a donné à l'homme et à la femme un grand nombre de règles communes... Mais parce qu'ils sont complémentaires et présentent des différences secondaires, l'islam a défini pour l'homme comme pour la femme des priorités différentes et des différences dans certaines règles.

    -
    Des particularités à protéger pour respecter les particularités de l'homme et de la femme :

     L'islam a ainsi interdit à l'homme et à la femme d'imiter ce qui fait les particularités de l'autre sexe. Le Prophète Muhammad (sur lui la paix) a ainsi rapporté l'éloignement, par rapport à la miséricorde divine, "de ceux des hommes qui imitent les femmes et de celles des femmes qui imitent les hommes" (al-Bukhârî, n° 5546, voir également Sunan ut-Tirmidhî, n° 2784, Abû Dâoûd, n° 4097). L'objectif est bien d'éviter les risques que nous évoquions à l'instant.

    Ceci explique aussi pourquoi l'islam demande à la femme de se couvrir davantage que l'homme : la raison en est physique autant que psychologique et sociale. Ceci explique encore pourquoi le témoignage n'est pas du même type chez un homme et chez une femme : dans les affaires pénales et commerciales, le témoignage masculin a plus de poids, mais dans des affaires féminines, le témoignage féminin est seul valable. Ceci explique également pourquoi, en islam, la garde de l'enfant en cas de divorce va en priorité (sauf cas de contre-indication) à l'épouse : un homme ne vaut pas une femme dans ce domaine.

    -
    Des règles communes par égard pour la nature humaine de l'homme comme de la femme :

     Parallèlement à ces différences, les hommes et les femmes sont, pour l'islam, des êtres humains à part entière : "Ô les hommes, craignez votre Pourvoyeur qui vous a créé à partir d'un seul être, à partir duquel Il a créé son conjoint, couple à partir duquel Il a disséminé (sur terre) de nombreux hommes et femmes" (Coran 4/1). Le Prophète Muhammad (sur lui la paix) a dit quant à lui : "Les femmes sont les sœurs des hommes" (rapporté par Abû Dâoûd). Al-Albânî a déduit de cette phrase que "le principe général est que ce qui est obligatoire pour les hommes l'est aussi pour les femmes, et que ce qui est permis pour eux l'est aussi pour elles. On ne peut faire de différence dans les règlements que là où cela est mentionné dans un texte des sources [ou bien là où se retrouve un principe extrait d'un texte des sources]" (Silsilat ul-ahâdîth as-sahîha, tome 1 p. 347). Plusieurs siècles avant lui, les savants musulmans Ibn ul-Qayyim et Ibn Rushd avaient eux aussi formulé le même principe (cf. A'lâm ul-muwaqqi'în, tome 1 p. 92, et Bidâyat ul-mujtahid, tome 1 p. 172).

     

    Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

     


     



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  • Question :

    Vous et d'autres vous fondez souvent sur des Hadîths, textes attribués en tant que dires, gestes et approbations à notre Prophète Muhammad (la paix soit sur lui). Pour ma part j'ai plutôt tendance à penser que si le Coran est notre source à nous musulmans, le Hadîth n'a pas été retransmis avec suffisamment de certitude pour servir de source (...). Et puis le Hadîth n'est pas l'objet de suffisamment de vérification quant à son authenticité.

    -
    Réponse :

    Les Hadîths n'ayant pas été systématiquement et immédiatement mis par écrit comme l'ont été les versets du Coran, des Hadîths inventés sont effectivement apparus des années après la mort du Prophète (sur lui la paix), à partir de l'épreuve que constitua la bataille de Siffin et des divisions qui s'ensuivirent. Il s'agissait de prouver que tel personnage était supérieur, sur la base d'une parole du Prophète même, cela se fît-il en prêtant au Prophète ce qu'il n'avait pas dit. Cela est vrai.

    Cependant, ce qu'il importe de relever, c'est que très tôt, dès les premiers temps et avant même l'épreuve sus-citée, on s'est soucié de vérifier l'authenticité des textes attribués en tant que paroles, d'actes ou d'approbations au Prophète. Autrement dit de vérifier le fait que l'attribution de telle parole, tel acte et telle approbation au Prophète n'était pas le résultat d'un mensonge ou d'une erreur.

    -
    1. Le Prophète lui-même met en garde contre l'invention de Hadîths et demande d'être prudent :

    "Mentir à mon sujet n'est pas comme mentir au sujet de quelqu'un d'autre. Celui qui ment (et me prête ce que je n'ai pas dit), qu'il prépare son séjour en enfer" (rapporté par al-Bukhârî, n° 1229, et d'autres). "Viendront à la fin des temps des trompeurs menteurs qui vous apporteront des Hadîths que ni vous ni vos pères n'aviez entendus. Préservez-vous d'eux : qu'ils ne vous égarent ni ne vous tentent" (rapporté par Muslim, al-Muqaddima). "Préservez-vous de citer de moi des Hadîths à l'exception de ceux dont vous savez (que je les ai dits). Car celui qui ment à mon sujet, qu'il prépare son séjour en enfer" (rapporté par at-Tirmidhî, la version rapportée par Ibn Abî Shayba est authentique d'après al-Albânî).

    -
    2. Omar demande d'être particulièrement prudent lorsqu'on cite des Hadîths :

    Pendant son califat, Omar, envoyant une délégation de Compagnons ansârites dans la ville de Kufa (en Irak), les accompagna jusqu'à ce qu'ils quittent la ville de Médine. Il leur fit entre autres recommandations : "Vous allez partir pour Kufa et vous rendre auprès de gens qui récitent souvent le Coran. Ces gens diront à votre arrivée : "Des Compagnons du Prophète sont arrivés, des Compagnons du Prophète sont arrivés !" et viendront vous rencontrer pour vous demander de leur citer des Hadîths. Citez avec parcimonie des paroles du Prophète… " (rapporté par Ibn Mâja, n° 28, ad-Dârimî, n° 282). Mu'âwiya disait : "Préservez-vous de citer des Hadîths [de façon légère], mais [vous pouvez citer librement] les Hadîths connus à l'époque de Omar. Car Omar rappelait aux gens leurs responsabilités vis-à-vis de Dieu" (rapporté par Muslim, n° 1037).

    -
    3. Des Compagnons cherchent à s'assurer de l'authenticité du propos qui leur est présenté en tant que Hadîth :

    Abû Bakr, premier calife de l'Islam, mort deux ans après le Prophète, demanda une fois si quelqu'un avait entendu le Prophète dire quelque chose au sujet de la part d'héritage de la grand-mère. Al-Mughîra ibn Chu'ba affirma qu'il avait, lui, entendu le Prophète lui donner le sixième de la somme laissée en héritage. Abû Bakr vérifia : "Quelqu'un d'autre que toi sait-il également cela ?" Muhammad ibn Maslama confirma alors les dires de al-Mughîra (rapporté par at-Tirmidhî, Abû Dâoûd, etc.).

    Omar, deuxième calife de l'Islam, demanda une fois quelle règle devait s'appliquer au cas où une femme enceinte perdait son enfant à cause d'un coup volontaire de la part de quelqu'un. Al-Mughîra ibn Chu'ba affirma qu'il avait entendu le Prophète dire que l'auteur du coup devait dédommager la mère par un esclave. Omar exigea : "Amène-moi quelqu'un qui témoigne avec toi (avoir entendu cela du Prophète) !" Muhammad ibn Maslama apporta alors son témoignage (rapporté par al-Bukhârî, Muslim). Abû Mûssâ al-Ach'arî ayant un jour rapporté que le Prophète avait dit : "On doit demander par trois fois la permission d'entrer dans une maison. Si on obtient la permission, tant mieux, sinon doit s'en retourner". Omar lui demanda alors d'apporter le témoignage de quelqu'un d'autre ayant lui aussi entendu cette parole du Prophète. Abû Sa'îd al-Khudrî apporta ensuite ce témoignage (rapporté par Al-Bukhârî, Muslim). Omar dit alors à Abû Mûssâ : "Sache que je n'ai pas de doute à ton sujet. Mais je crains que des gens ne se mettent à inventer des propos et qu'ils les attribuent au Prophète" (rapporté par Abû Dâoûd, n° 5184). Cette phrase de Omar nous montre bien qu'il ne pensait pas qu'un Hadîth n'est acceptable que s'il est rapporté par deux personnes au minimum (il a lui-même accepté d'autres Hadîths rapportés par une seule personne : par exemple celui rapporté par Abd ur-Rahmân ibn 'Awf à propos des Zoroastriens, à propos de la peste, etc.). Omar entendait seulement enseigner aux gens d'être prudent et de procéder à des vérifications avant d'attribuer une parole au Prophète.

    Il arrivait à Alî, pour sa part, de demander à la personne qui lui citait un Hadîth, de faire le serment par Dieu que ce Hadîth était authentique (rapporté par at-Tirmidhî, n° 406).

    Le Compagnon Amr ibn Abassa raconta une fois à Abû Umâma avoir entendu le Prophète dire à propos que des ablutions parfaites suivies d'une prière de deux cycles conférait à celui qui les faisaient telle et telle récompense. Abû Umâma, qui était lui aussi un Compagnon du Prophète, lui dit : "Considère ce que tu dis, Amr ibn Abbassa ! Pour une action unique, un homme aurait une récompense aussi grande !" Mais Abû Umâma le tranquillisa en lui prouvant que le Prophète l'avait bien dit (rapporté par Muslim, n° 832).

    Mahmûd (un jeune Compagnon) rapporta une fois de 'Itbân (un Compagnon plus âgé) que celui-ci avait entendu le Prophète dire : "Dieu a interdit sur l'enfer celui qui dit sincèrement "il n'y a de divinité que Dieu"". Abû Ayyûb al-Ansârî, un autre Compagnon, qui était présent, demanda alors à vérifier l'authenticité de cette parole. Mahmûd fit alors le serment de se référer de nouveau à 'Itbân dès qu'il retournerait à Médine (où celui-ci se trouvait) (rapporté par Muslim, n° 33).

    Abdullâh ibn Omar rapporta une fois que le Prophète avait dit : "Le défunt est puni pour les pleurs que ses proches font à sa mort". Ibn Abbâs l'informa alors que Aïcha avait expliqué que le Prophète ne pouvait avoir dit qu'un défunt serait systématiquement puni pour les pleurs de ses proches, car ceci contredisait le verset du Coran offrant la règle générale : "Nulle âme ne portera le péché d'une autre" (rapporté par al-Bukhârî, n° 1226, Muslim, n° 928). En une autre occasion, ayant été informée de ce que Abdullâh ibn Omar rapportait, Aïcha dit : "(Abdullâh) n'a pas menti, il a mal compris." Puis elle expliqua qu'en fait, le Prophète était passé près de la tombe d'une personne morte dans l'incroyance. Les proches de la défunte la pleuraient, et le Prophète dit alors que pendant que ses proches pleuraient sa mort, la défunte était en train d'être punie dans sa tombe pour son incroyance (rapporté par Muslim, n° 932).

    -
    4. La prise en compte de l'honnêteté de celui qui rapporte le Hadîth :

    L'apparition de faux Hadîths amena les savants musulmans à faire preuve de plus grande prudence encore. Ainsi, Bushayr al-'Adawî se rendit un jour auprès de Ibn Abbâs et commença à citer devant lui de nombreux Hadîths : "Le Prophète a dit : …". Mais Ibn Abbâs ne prêta pas grande attention à cela. Bushayr le lui fit remarquer : "Je te cite des Hadîths du Prophète et tu ne m'écoutes même pas ?" Ibn Abbâs fit : "Il fut un temps où, lorsque nous entendions quelqu'un dire : "Le Prophète a dit…", nous nous tournions vers lui avec nos yeux et nos oreilles. Mais depuis que les gens ne font plus attention, nous ne prenons plus que les Hadîths que nous connaissons" (rapporté par Muslim, al-Muqaddima).

    Un événement amena également ces savants à être particulièrement prudents : l'apparition des tendances déviantes (kharijites, etc.). Ibn Sîrîn explique : "(Dans les premiers temps,) les savants ne questionnaient pas au sujet des chaînes de transmission. Mais depuis l'épreuve (fitna), ils se sont mis à dire : "Dites-nous quels hommes (ont rapporté ce Hadîth) !"…" (rapporté par Muslim, al-Muqaddima).

    Dans le même ordre d'idées, voici ce que al-Mughîra affirmait : "Il n'y a que les élèves de Ibn Mas'ûd qui rapportent de façon véridique les paroles de Alî" (rapporté par Muslim, al-Muqaddima).

    -
    En résumé :

    C'est depuis les premiers temps de l'Islam qu'est apparu le souci de se préserver des faux Hadîths. Au fur et à mesure, les critères se sont affinés pour la vérification de l'authenticité du Hadîth.


    Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

     

    Tiré du site : La Maison de l'Islam

     

    Coran & Sunna



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